OUAGADOUGOU, Burkina Faso, le 23 Novembre 2022 -/African Media Agency (AMA)/- En Afrique, une personne sur deux n’a toujours pas accès à un assainissement sûr et géré en toute sécurité. Chaque jour, plus de 800 enfants de moins de 5 ans dans le monde meurent de diarrhées dues à de l’eau insalubre, des services sanitaires insuffisants et une mauvaise hygiène, indique un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé/UNICEF sur les Progrès en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène des ménages. Pourtant le droit à l’accès à l’eau et à l’assainissement est un droit humain primordial pour assurer une vie digne et libre à chacun.

Dans la perspective de l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (ODD) dont l’échéance est pour 2030, ces chiffres ne sont guère rassurants ! Les experts s’accordent à dire que nous vivons une crise mondiale de l’assainissement. Les femmes et les filles en sont sans nul doute les premières victimes quand on sait le lien particulier existant entre le genre féminin et l’assainissement. En effet, ce sont elles qui portent traditionnellement la responsabilité de la gestion de l’hygiène et de l’assainissement du foyer. De même, du fait de leurs besoins spécifiques en termes de santé sexuelle et reproductive, elles sont davantage sensibles aux conditions d’accès à l’hygiène et l’assainissement. 

L’ODD 6.2, faut-il le rappeler, vise l’accès de tous, dans des conditions équitables, à des services d’assainissement et d’hygiène adéquats et la fin de la défécation en plein air, en accordant une attention particulière aux besoins des femmes et des filles et des personnes en situation vulnérable en 2030. Qu’est-ce qui cloche donc ? Avons-nous été trop ambitieux ? Avons-nous raté un tournant? Y arriverons-nous ? Surtout dans un pays tel que le Burkina Faso.

Si ces questions sont d’actualité au niveau mondial, elles le sont encore plus dans ce pays, qui par ailleurs traverse une crise sécuritaire extrêmement éprouvante avec à la clé plus d’un million et demi de déplacés internes.

Le dernier rapport du Programme National D’assainissement des Eaux Usées et Excrétas (PN-AEUE) paru en Mars 2022 faisait état d’un taux d’accès national à l’assainissement de 26.8 % soit 5 780 090 personnes desservies sur une population totale estimée à 21 541 506. Ainsi, au Burkina Faso, seulement une personne sur quatre a accès à des toilettes et la situation est d’autant plus préoccupante avec 1 719 332 déplacés internes à la date du 30 septembre 2022 (UNOCHA, 2022): Une crise donc dans la crise !

L’analyse de l’évolution du taux national d’accès à l’assainissement entre 2010 et 2015 (année marquant le lancement de l’agenda 2030 des ODD) et entre 2015 et 2022 montre que des progrès sont bel et bien enregistrés. Cependant le rythme de progression reste statique. Une simple analyse juxtaposée des rapports annuels présentant les taux de chaque année depuis 2010 permet de situer en moyenne la progression du taux d’accès dans l’intervalle de 1 à 2 points. C’est à croire que le lancement des ODD et du PN-AEUE n’a pas encore suscité d’accélération notoire. Les années se succèdent mais les bilans se ressemblent. Et là, il n’est juste question que de l’accès aux toilettes !!! Les autres maillons qui composent la chaîne de valeur de l’assainissement tardent à se déployer réellement dans nos villes et communes malgré la synergie d’actions entre les parties prenantes qui s’est opérée depuis ces dernières années dont d’ailleurs les acquis mériteraient d’être préservés.

De nombreux textes ont été élaborés et adoptés, au point où le Burkina Faso est plébiscité à l’international pour la richesse de son cadre réglementaire, stratégique et législatif relatif au secteur Eau et Assainissement en général. Des efforts sont enregistrés en matière de collaboration notamment avec les acteurs de la vidange en ce qui concerne la question des boues de vidange. Les acteurs échangent, collaborent sur la finalisation des documents stratégiques et sur la résolution de problèmes rencontrés sur le terrain. Un engagement des autorités est également constaté grâce à un positionnement progressif sur les questions d’assainissement. Ce sont là des avancées significatives qu’il convient de préserver. Cependant l’arbre ne doit pas cacher la forêt, car à l’heure des bilans de mise en œuvre des textes, stratégies, politiques et autres, force est de constater que d’énormes efforts sont encore à fournir.

Le contexte actuel du Burkina rend davantage difficile la prise en charge efficiente de la question et l’assainissement tend progressivement et implicitement à être ramené à son rang de « cadet des priorités » et à demeurer le « parent pauvre » des politiques publiques. Selon le rapport de la Coalition Eau (mai 2021), les allocations budgétaires ont connu une forte baisse de 50,42% entre 2014 et 2019. Pourtant des efforts ont été consentis par l’ensemble des acteurs, notamment les coalitions de mouvements citoyens, la société civile et ce pour en faire un Droit fondamental consacré par la constitution du pays en 2015.

Il importe d’agir et urgemment !

Certes le Burkina Faso traverse l’un des tournants les plus difficiles de son histoire. Loin de nous, la prétention de présenter l’Assainissement comme la priorité des priorités dans le contexte actuel du pays ! Mais il est de notre devoir de tirer la sonnette d’alarme pour éviter de perdre les quelques progrès chèrement engrangés dans le sous-secteur durant ces dernières années. Sans compter que les défis restent encore colossaux pour mettre en place de façon durable et inclusive l’ensemble de la chaîne de valeur de l’assainissement.

Dans les ménages, les écoles, les hôpitaux, les bâtiments administratifs, les camps de réfugiés ou de déplacés internes, en milieu rural, en milieu urbain, etc. la question de l’accès à un assainissement sûr et bien géré se pose sans conteste et ce au quotidien.

Si aujourd’hui on s’accorde à dire qu’il y a un réel besoin de changer de rythme dans la gestion et la mise en œuvre des politiques et stratégies de développement dans notre pays, il y a bien longtemps que ce changement de rythme est réclamé dans le secteur WASH en général et dans le sous-secteur de l’Assainissement en particulier.

L’accès à l’assainissement peut assurément contribuer au développement de la résilience tant recherchée pour les populations de notre pays, car la dignité reste le premier élément de ce développement. Les avantages d’un accès adéquat à l’assainissement ne sont plus à argumenter :

  • Selon le rapport de l’UNICEF (2021) sur la situation de l’assainissement dans le monde, l’accès à un assainissement décent réduit les coûts de santé et préserve surtout la vie des moins de 5 ans.
  • Selon le rapport du programme Eau et Assainissement/Banque mondiale (mars 2012), le Burkina Faso perd 86 milliards de FCFA chaque année à cause d’un mauvais assainissement 
  • Toujours selon le même rapport, chaque personne pratiquant la défécation en plein air passe presque 2,5 jours par an à trouver un endroit isolé pour déféquer, ce qui conduit à de grandes pertes économiques
  • Selon le rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau paru en 2019 (ne laisser personne pour compte), l’accès aux services d’eau potable et d’assainissement génère des retombées sociales et économiques avantageuses, avec un ratio coût-avantage moyen mondial de 5,5 pour l’assainissement.
  • Pour le milieu scolaire, déjà en 2004, une étude de l’OMS portant sur l’évaluation des coûts et des avantages liés à l’amélioration de l’accès à l’eau et à l’assainissement au niveau mondial, estimait que 1,9 milliards de jours d’école pourraient être gagnés si les Objectifs du Millénaire pour le Développement relatifs à l’eau potable et l’assainissement étaient atteints.

Autant de faits démontrés et avérés qui devraient nous pousser à l’action.

Que faire alors ?

Les enjeux actuels sont entre autres :

  • La prise en charge effective et inclusive (prise en compte du genre) des questions d’assainissement sur les sites des déplacés internes
  • Le maintien d’un minimum de priorisation du sous-secteur au niveau de l’Etat malgré la crise actuelle
  • L’implication et le développement de la synergie entre tous les acteurs pour la mise en œuvre effective des politiques en prenant en compte l’aspect transversal du sous-secteur
  • La structuration/la marketisation de l’assainissement et l’amélioration de l’attractivité du sous-secteur pour des investissements privés
  • La réalisation d’infrastructures durables et surtout fonctionnels notamment pour le traitement des boues de vidange et ouvrant la voie à une valorisation des sous-produits de l’assainissement

Le droit à l’assainissement implique des questions de dignité. Agissons et vite !

Co-écrit par:

Christian Mampuya, Directeur Pays de l’Association Kynarou France au Burkina

Yasmina Zongo, Chargée de plaidoyer senior à Niyel

Distribué par African Media Agency pour Niyel.

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Letissia Konan

letissia@africanmediaagency.com

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